Accélérer la décarbonation de l’environnement bâti est une condition préalable à la réalisation des objectifs de neutralité climatique de l’UE d’ici à 2050. Cet impératif est de plus en plus reconnu.
Deux stratégies principales ont été identifiées : une utilisation plus efficace de l’énergie et une part plus importante d’énergies renouvelables. Pourtant, ces politiques ne tiennent pas compte de l’ensemble de la situation. L’empreinte carbone d’un bâtiment représente généralement 20 à 25 % des émissions totales de gaz à effet de serre tout au long de son cycle de vie, ce chiffre atteignant 50 % ou plus pour les bâtiments hautement efficaces. La pièce manquante du puzzle se trouve dans l’application des principes de circularité.
Une approche complémentaire nécessaire
Le secteur de la construction utilise environ 50 % de tous les matériaux extraits et génère plus de 35 % des déchets de l’UE. À l’échelle mondiale, la surface de plancher devrait doubler. L’Agence internationale de l’énergie estime que d’ici 2070, l’équivalent de la ville de Paris sera construit chaque semaine. Un dixième des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie provient de la fabrication des matériaux de construction des bâtiments. C’est là que les principes de circularité entrent en jeu.
Une approche circulaire minimise l’apport de ressources. Appliqué à l’environnement bâti, cela se traduit par la réduction des nouvelles constructions chaque fois que cela est possible. Comme le dit le dicton, “le bâtiment le plus écologique est celui qui existe déjà”. La réutilisation ou la réaffectation d’une structure existante et l’amélioration de son efficacité énergétique constituent presque toujours une option moins polluante que la démolition et la reconstruction. Et lorsqu’il s’agit de nouveaux bâtiments, la circularité est intégrée en repensant leur conception même pour utiliser moins de matériaux et faciliter leur réutilisation à la fin de la vie d’un bâtiment.
Avec plus de la moitié des matériaux de construction en Europe utilisés pour la maintenance et la rénovation, et une politique poussant à la rénovation, les principes de circularité doivent également être appliqués aux matériaux de construction. Comment pouvons-nous faire avancer les choses ?
Modifier le système d’incitation
Jusqu’à 70 % des émissions associées aux bâtiments peuvent être réduites en utilisant des matériaux de construction recyclés plutôt que vierges. Le plan d’action de l’UE en faveur de l’économie circulaire peut faciliter l’utilisation de matières premières secondaires. En outre, des mesures pratiques peuvent être prises pour favoriser l’adoption de matériaux locaux et à faible teneur en carbone. Il s’agit notamment des cadres financiers, des marchés publics et des normes réglementaires. Hambourg a saisi cette opportunité et créé un marché en subventionnant le bois – bien approvisionné, c’est un matériau de construction durable qui stocke le carbone. Devenue la capitale européenne du bois de masse, Hambourg a démontré que les villes peuvent être un catalyseur pour la promotion de la circularité dans les bâtiments. Les municipalités disposent de nombreuses options pour mettre en place les conditions favorables à un environnement bâti circulaire, des marchés publics à la réglementation. Par exemple, le traitement des permis de construire pourrait être plus rapide pour les projets respectant les critères de circularité. Pour garantir une mise en œuvre efficace, le renforcement des capacités des autorités compétentes doit accompagner toute modification de la réglementation.
La simple application des principes de circularité permet de réduire l’empreinte carbone. Il n’est pas nécessaire de disposer de méthodologies et de données bien développées pour commencer à agir. Cependant, pour exploiter pleinement le potentiel de la circularité, une meilleure collecte et divulgation des informations est nécessaire.
Exiger la transparence des données
L’utilisation de mesures de performance est essentielle pour juger si les principes de circularité sont respectés. Il existe déjà des mesures positives mais insuffisantes dans ce sens dans le cadre de la législation européenne. Par exemple, la proposition de révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments utilise Level(s) comme méthodologie pour informer de l’impact carbone des bâtiments sur toute leur durée de vie et inclut des indicateurs de circularité. Elle est toutefois limitée aux nouvelles constructions de grande envergure. Un autre levier central pour le secteur est le règlement sur les produits de construction (CPR), dont la révision est prévue à la fin du mois. Il a le potentiel de fixer des exigences de divulgation obligatoires sur les émissions incorporées dans les matériaux de construction et de favoriser la préparation à court terme du marché pour les matériaux à faible teneur en carbone et circulaires.
À ce stade, il n’est pas clair si des exigences seront incluses. Des pays comme la France ou la Suède, qui se font déjà les champions de la réduction de l’empreinte carbone dans leur législation nationale, sont bien placés pour faire pression en faveur de mesures au niveau de l’UE. L’intégration des principes de circularité dans les politiques liées aux bâtiments permet de s’attaquer immédiatement à l’empreinte carbone et augmentera considérablement l’efficacité des mesures de décarbonation des bâtiments à long terme. En outre, cela peut agir comme un puissant moteur sur la demande de matériaux de construction durables, entraînant des opportunités considérables pour le commerce – pour un monde plus propre qui est encore en construction.
Cet article fait partie d’une série: